Ils n'existaient pas, ils ne pouvaient disparaitre ...
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Dame Ylianah quitta un instant le rapport qu'on venait de lui remettre pour poser les yeux sur son mari.
Le seigneur Numendil se tenait assis, droit, sur son trône, aussi beau et majestueux qu'à son habitude.
Aucun trait de son visage ne bougeait ; avec le temps, même son regard avait perdu toute expression.
Le simple mouvement de tête de sa femme avait suffi à attirer son attention.
Il tourna la tête vers elle, la regarda s'avancer et gravir les quelques marches la séparant de lui.
Pendant un instant, ils se fixèrent, statues silencieuses et figées dans le temps, avant que Dame Ylianah ne tende le document.
Le seigneur Numendil le prit ... et blémit.
"Qui... A apporté... Ca?... Qu'on me l'amène ... sur le champ".
La belle voix grave n'avait été qu'un murmure, mais les gardes de la grande porte frémirent et se tassèrent sur leur lance.
Celui de droite se précipita hors de la salle du trône, pour revenir avec un jeune elfe noir, tremblant de peur.
Le seigneur Numendil, son visage ayant repris sa couleur normale ivoire, le fixa impitoyablement, tandis qu'il s'avançait, tremblant, et se jetait à genoux et le front collé au sol, en un mouvement plus suppliant que respectueux.
"Qu'est ce que.... ceci?"
Le ton calme fit gémir le messager.
Il ferma les yeux, retardant autant qu'il le pouvait le moment d'ouvrir la bouche.
Enfin, rassemblant son courage, dans un mouvement désespéré, il releva le buste et, les yeux fixés sur la première marche, il répondit :
"Votre grâce, j'ai suivi, comme vous l'aviez demandé, la duchesse Valk.
Ses pas l'ont mené vers un groupe étrange de basse extraction, qui se nomme "Conventus Occultus"..."
Le jeune elfe allait poursuivre, mais l'expression de son maître le stoppa.
"Continue", l'enjoignit le seigneur Numendil.
"ces ... individus... semblent avoir accueilli Dame Valk en son sein.
Elle ne les a pas quitté depuis.
-Le mercenaire Orque ... Maxwell... Est toujours avec elle?
-Oui Monseigneur, il la suit comme son ombre"
-Poursuit.
-Votre grâce, Dame Valk les a suivi jusqu'à un étrange repère sur une plage, peuplée de nains.
Là, il semblerait qu'elle ai été victime d'un sort...
-Un sort? Est-elle toujours sous le coup de ce sort?
-Je l'ignore Monseigneur ; elle a repris apparence elfique, puis est revenue jusqu'au bateau ... Et là, elle a été reprise sous le coup de ce sort.
Je l'ai suivi un instant sur le chemin la ramenant près de ces ... Conventus Occultus, mais l'occasion m'étant donné de vous voir pour vous rendre compte, j'ai fait demi-tour avec ... ce document qui atteste mes dires"
Le seigneur Numendil fixa un instant le jeune elfe tremblant de peur.
Son visage de statue plus figé que jamais, il demanda encore :
"Ma fille a donc traversé tous le territoire conquis ... dans cet apparat.
C'est bien cela?"
A ces mots, le messager gémit de terreur.
Il ouvrit la bouche, mais, malgré tous ses efforts, aucun son n'en sorti.
"Sais-tu si elle a été reconnu?"
Il devait répondre.
Au prix d'un effort surelfique, le messager parvint à secouer la tête de manière négative.
"Bon. Tu es donc le seul a l'avoir vu dans cette position si précaire et savoir qui elle est".
Le jeune elfes poussa un cri et, tout à son désespoir, osa lever les yeux jusqu'à ceux de son maître.
Comme par miracle, sa voix lui revint :
"Pitié, puissant seigneur! Ma famille sert la votre depuis la nuit des temps, je suis votre plus fidel serviteur, ma soumission est totale... Je vous en prie..."
Il ne pu aller plus loin ; le semblant de courage qu'il avait réussi à avoir pour tenter de défendre sa cause venait de le quitter.
Le seigneur Numendil leva un doigt de sa main posée sur le côté de son siège et les deux gardes de la porte s'avancèrent pour encadrer le messager gémissant.
Insensible à ses supplications, les deux gardes attrapèrent le jeune elfe aux épaules et le trainèrent hors de la pièce.
Le seigneur Numendil, le visage toujours aussi indéchiffrable, tourna le regard vers sa femme et murmura, de sa belle voix calme et grave.
"Que les gardes, aussi, meurent. Il ne doit y avoir aucun témoin.
-Bien évidemment, mon ami".
Dame Ylianah se leva gracieusement, descendit les marches de sa démarche glissante et sans a-coup et sorti à son tour de la pièce.
Resté seul, Le seigneur Numendil baissa les yeux sur le rapport, avant de le froisser d'un mouvement de doigts.
Dame Ylianah revint peu après, ses deux dagues empoisonnées couvertes de sang.
"On est jamais mieux servi que pas soi-même et nous n'avions pas besoin d'autres témoins, n'est-ce pas, mon ami.
Et puis ... Ca me manquait, l'odeur du sang".
-Il y a des siècles que tu n'es plus une furie, ma chère femme.
-Ne vous inquiétez pas ; ce sera mon seul et dernier écart".
Elle sourit à son mari et revint se placer près de lui.
"Et pour Maxwell?" Demanda-t-elle.
"Il mourra ... pour avoir permis que pareille infamie se fasse ... Quant à Valk, dès son retour, nous aurons une discussion sérieuse avec elle".
Il se pencha vers la torche placée non loin de lui et lui offrit le parchemin.
Ce dernier sembla se recroqueviller pour échapper aux flammes avides.
Un instant, l'image d'une poule trottinant sur un chemin poussiéreux apparut dans la lueur diffiuse, avant de se consumer.
Dernière modification par Valk (13-04-2009 10:59:51)
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